Après une longue traversée, une tribu mystérieuse pose ses valises sur le site des anciens abattoirs de Nantes et construit pierre après pierre, le décor de Transfert. Si la trajectoire en zigzag du Remorqueur nous a enseigné que nul ne sert de venir de loin pour parcourir un voyage trépidant ; cette semaine, le bus jaune file à l’anglaise. Direction les eaux de la Mersey, du côté de Manchester !
Enfant de butin.
Il aura parcouru des milliers de kilomètres à avaler le bitume de l’autre côté de la Manche. Des milliers d’arrêts, aussi, en transportant le long du circuit mancunien quelques centaines de passagères et de passagers par jour, pendant un nombre d’années trop grand pour qu’on le compte sur nos doigts. Parmi ces gens de voyage, des centaines d’élèves en uniformes, sur le chemin d’une des 136 écoles de la ville, qui n’ont pas manqué de marquer leur passage, chacun·e à leur manière, à en croire les nombreuses traces qui recouvrent l’imposant bus jaune.
Des dizaines de chewing-gums collés, de graffitis inscrits au compas, mais par dessus tout, un trésor d’une valeur inestimable se cache entre les banquettes, sous les sièges et dans les improbables interstices du bus. Durant toutes ces années d’activité, le chauffeur historique du bus a vu s’empiler un amoncellement d’objets perdus par des gens de passage inattentifs. Cassettes de jeux vidéos, yoyos, élastiques, en passant par les sacs de billes et même les bonbons qui piquent… Tout ce qui peut tomber d’une poche se trouve encore quelque part dans le bus jaune.
Traverser la Manche et s’taire.
Un jour, que le véhicule coulait une retraite paisible et méritée, fatigué par des années de circuit municipal, il fut réquisitionné sans qu’on lui demande son avis. L’ayant pris pour un car touristique, un groupe de jeunes cinéastes s’empara du bus jaune pour poursuivre son tournage d’un road-movie. Caméra super 8 au poing, la troupe prit le chemin du retour en France sans se soucier de l’état de vieillesse du vaisseau spécial. Quatre jours de voyage, une dizaine de pannes – il a même fallu pousser le bus pour le faire monter sur le ferry-boat in extremis – et une traversée de la Manche plus tard, le bus s’arrêta définitivement du côté de Rezé… En emplafonnant un conteneur qui n’avait franchement rien à faire au milieu de la route !
Le bus magique
En arrivant sur l’oasis désertique des anciens abattoirs de Nantes, les quatre cinéastes se joignirent à la tribu déjà installée sur place. Depuis, le bus se tient immobile aux abords du restaurant de Transfert. Certains disent même qu’il serait devenu magique à force d’être livré à son sort. Selon ces dires, on peut y apercevoir, si l’on observe attentivement par les vitres, quelques curieux mouvements se dessiner…
ll suffirait d’appuyer sur la bonne manivelle pour voir la montagne d’objets oubliés pendant toutes ces années par les enfants prendre vie dans les couloirs du bus. D’abord, les automates se sont mis en ordre de marche, puis des lumières sont apparues et les gadgets électroniques ont commencé à se manifester, transformant de saison en saison la carlingue jaune en véritable cabinet de curiosité. Les cinéastes, quant à eux sont encore en train de développer leur film…
Une grosse machine ramenée sur un coup de tête : Basile Bolide.