Chaque année, le Laboratoire de Transfert met en place des enquêtes, études et observations pour compiler des informations et une analyse sur le projet afin de le requestionner et de laisser des traces de l’expérience. De l’action à la recherche, il s’agit d’interroger la place des artistes dans la fabrique de la ville et inversement. Cette année, le projet s’observe dans tous les sens.
S’inspirant de techniques d’enquêtes liées aux études urbaines et à la sociologie, différents protocoles de recherche ont été imaginés pour saisir l’ambiance du lieu, traduire les pratiques présentes sur site et enquêter auprès des usagers, acteurs et artistes du projet. Durant la saison, les dispositifs d’enquêtes et observations pour compiler des informations et analyser le projet se multiplient ; focus sur les dispositifs imaginés en 2020.
En 2020, l’enquête dénommée la “Traversée de Transfert” autour de l’expérience vécue et perçue du public se poursuit. Durant l’ouverture estivale, le Laboratoire de Transfert propose une promenade-discussion sur le site tous les vendredis soirs à 21h30 sur inscriptions*(1). Dans la continuité du travail réalisé en 2019 sur les ambiances et usages du lieu de jour, il s’agit cette année mettre en lumière les sensations en soirée sur le site. Sur le modèle des “Marches Urbaines Exploratoires de Nuit”*(2) mis en place par Elza Hernandez et Florian Guérin, le Laboratoire organise sur une durée de 45 minutes et plus si affinitées, une rencontre divisée en plusieurs étapes amenant à l’expressions de sensations, d’intuitions et d’émotions que procure le site de Transfert.
Le Laboratoire réalisera également des Promenades avec les acteurs et artistes du projet. En s’inspirant librement de la “méthode des itinéraires”*(3) créée par Jean-Yves Petiteau, ainsi que de protocoles tels que “Mission Repérages”*(4), il s’agit d’effectuer des entretiens en marchant selon un parcours libre d’environ deux heures. Marche en ville, ville en marche, comment le fait d’être résident, artiste invité, acteur du projet change le rapport que l’on a du territoire ? Ces entretiens ont pour objectif de transmettre les récits du lieu, de laisser une trace de la dimension intangible, sensible, poétique et artistique du projet. Il s’agit de se saisir de l’expérience du terrain pour aller vers la recherche, prendre le pouls du site et d’être interpellé par le lieu dans sa dimension spatiale et sociologique. C’est également un moyen de montrer comment un milieu agit sur la perception d’un espace et de révéler l’écosystème relationnel et le jeu de valeurs du projet.
Une série d’observations sera conduite au long cours afin de mettre en lumière l’appropriation du site et les usages programmés et/ou spontanés présents à Transfert. Comment le projet Transfert est-il appréhendé ? Quels sont les différents usages du lieu et les pratiques libres présentes sur le site ? Pour tenter d’y répondre, des observations in situ à des temps donnés seront réalisées et les photographies prises durant les temps d’ouverture ou de présence de publics sont observées sous toutes les coutures. Ces matériaux de recherche viendront nourrir l’analyse statistique des activités proposées et de la fréquentation ainsi qu’une analyse sociologique.
La mise en place de ces études sont autant d’occasion d’observer les croisements entre création artistique, recherche et action. Toutes ces actions convergent vers la production d’une recherche à partir de l’expérience du terrain afin de construire une réflexion partagée et croisée entre profanes et experts. Comme le formule l’anthropologue Tim Ingold : « En habitant le monde, […] nous nous embarquons avec lui. Nos actions ne transforment pas le monde, elles sont une partie et une parcelle du monde en train de se transformer lui-même. »*(5).
Ainsi, années après années, l’objectif de ces recherches est de percevoir comment Transfert « embarque » la transformation urbaine et influence le devenir des lieux.
© Romain Charrier
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*(1) Tous les vendredis à 21h30 sur inscription auprès de bastien@pickup-prod.com
(2) Voir Florian Guérin, Edna Hernández González. Les marches urbaines exploratoires de nuit : une critique socio-urbaine en situation. Sciences du Design, Presses Universitaires de France, 2017, Design et santé, 2 (6), pp.105-127. hal-01393575
(3) Voir à ce sujet : Maïlys Toussaint. Jean-Yves Petiteau et l’expérience des itinéraires : itinéraires de dockers à Nantes, entre récits personnels et ambiance partagée. Sciences de l’Homme et Société. 2014. dumas-01113266
(4) Mission repérage(s), un élu-un artiste. Sous la direction de M. Le Floc’h avec le conseil scientifique de P. Chaudoir. Éditions L’Entretemps, Collection Carnets de rue, 2006.
(5) The perception of the environnement: essays on livehood, dweling and skill, Tim Ingold? London, Routledge, 2000.