Durant 15 jours du mois de mai 2022, le collectif Grand Dehors a posé ses valises à Transfert. Ce jeune collectif pluridisciplinaire propose des créations artistiques situées, qui mettent en récit les territoires. Lors de cette résidence, Maryne Lanaro, directrice artistique et Lou Joubert, comédienne et danseuse, se sont imprégnées de Transfert et inspirées des rencontres qu’elles ont pu y faire. Cela leur a permis de nourrir et faire mûrir une de leurs créations en cours.
Ce projet, encore à ses prémices, se nomme Dysfonctionnement. Il explore un sentiment relativement nouveau : la solastalgie. À l’inverse de la nostalgie, qui provoque un regret du passé et des lieux que l’on a quittés, la solastalgie est liée à une certaine angoisse du futur et à la sensation que notre environnement est en train de nous quitter, de se transformer. Transfert justement, est un bon exemple de cet environnement changeant, puisqu’il s’insère dans le temps, entre les anciens abattoirs de Rezé et le futur quartier de Pirmil – Les Isles. Ces évolutions rapides sont autant de bouleversements pour les habitant·es du territoire, qui peuvent avoir l’impression de perdre prise sur ce qui se passe autour. À l’échelle même de Transfert, la solastalgie se fait sentir. Alors que le projet entre dans sa cinquième et dernière année, l’échéance se rapproche avec un monde qui s’apprête à disparaître.
Maryne et Lou ont donc réalisé une mnémosyne, sorte d’enquête iconographique du lieu à partir de centaines d’images liées à Transfert. Elles ont pu recueillir les témoignages, les sentiments, les envies, les peurs, les souvenirs de certains membres de l’équipe à travers des entretiens. Leur travail s’appuie également sur la mise en place de rituels, pour renforcer le récit et (ré)activer l’imaginaire. À l’issue de leur résidence, elles ont ainsi organisé la cérémonie funéraire de Transfert, personnifiée pour l’occasion, suivie d’un banquet festif où chacun·e se remémore l’histoire mytho-généalogique de Transfert et les bons moments partagés durant ces presque cinq années. Ce moment privilégié a permis de préparer le deuil pour certain·es, de découvrir des anecdotes croustillantes pour d’autres, mais aussi de rappeler à tout le monde que Transfert n’est pas seulement ce qui restera, mais aussi tout ce qui a été, c’est ce que l’on veut en faire et surtout, c’est le pouvoir de faire. Comme le décrit Grand Dehors, « Dysfonctionnement est un désir d’avoir le choix au cœur des mutations. Proposer une alternative. Malaxer nos imaginaires et ouvrir les portes des utopies réalistes dans un endroit de friction entre le réel et la fiction. » Il se pourrait d’ailleurs que l’aventure entre Transfert et Grand Dehors ne soit pas terminée…
Dysfonctionnement est un désir d’avoir le choix au cœur des mutations. Proposer une alternative. Malaxer nos imaginaires et ouvrir les portes des utopies réalistes dans un endroit de friction entre le réel et la fiction.
Collectif Grand Dehors
Article écrit par Lucas Mallégol, assistant de recherche-action, au sein du Laboratoire de Transfert.