Installation, dessin, sculpture, collage, poésie, photographie, scénographie…, Aurélien Nadaud est un artiste multi-facettes. Du 31 juillet au 4 août 2019, il était présent sur le site de Transfert pour la réalisation d’une œuvre collective grandeur nature : Coloriage.
D’origine bordelaise, aujourd’hui basé dans le bassin d’Arcachon, Aurélien Nadaud est un artiste autodidacte, qui a fait de l’espace public, de l’échange, du partage, la base de son travail. Il invite à la cohésion dans un monde où il y en a de moins en moins avec l’installation Là Nous lors de l’événement Signal en 2015 à Bruxelles. Il a fait rayonner l’espace public à Amiens ou Marseille. Il exacerbe l’amour et la poésie avec « Born To Be Amour » en 2017 au Manège de Reims.
À Transfert, il s’inscrit dans la démarche participative du projet. Tout le monde est artiste. L’art est partout. Tout est art. A la manière d’un patchwork de personnes et de visions différentes, l’oeuvre collective « Coloriage » se découvre jour après jour, au fil des visites et des artistes en herbe qui s’y présentent. Rencontre avec cet artiste haut en couleurs :
Transfert : Tout d’abord, parlons un peu de toi. Comment décrirais-tu ton art et ta vision de l’art dans l’espace public à un·e adolescent de 15 ans ?
Aurélien Nadaud : Ma vision de l’art est tournée vers l’éphémère, ça passe notamment par l’utilisation de matériaux non pérennes. Je trouve que dans cet éphémère-là, tu peux faire les choses où tu veux, quand tu veux, comme tu veux. Cette démarche est très importante pour moi. Ensuite, en terme de graphisme j’utilise pas mal de couleurs et de formes qu’on pourrait qualifier d’organique, naturel, cosmique, stellaire, céleste et abstrait.
Pour revenir à la question, pour expliquer mon art, je dirais que « je laisse l’infini me traverser » (rires). Si je dis que « je suis déter’ pour faire c’que je kiffe » ça passe mieux ? (rires)
Plus sérieusement, dans Coloriage aujourd’hui, je dirais : que les gens participent, qu’on y prenne du plaisir, qu’on mette de la couleur dans ce monde et qu’on amène des énergies de joie, d’amour et de rencontres.
T : Peux-tu nous parler de l’oeuvre Coloriage : quel est son propos ?
A.N. : Sur Coloriage quand des gens me demandent : « Mais qu’est-ce que c’est ? », « Qu’est-ce que tu veux raconter ? », je leur réponds simplement : « C’est ce que tu veux, ce que tu ressens, ce que tu interprètes. ». Certaines personnes voient des gouttes, d’autres des vagins, des étoiles ou encore des feuilles. Je trouve ça intéressant que les gens puissent se laisser l’espace et le temps de se poser la question « Qu’est-ce que je ressens ? Qu’est-ce que ça représente pour moi ? ». Je ne veux pas que l’artiste décide que cela représente telle ou telle figuration et sous-entende que si une personne a tort si elle voit autre chose. Mon geste est instinctif, je ne me pose même plus la question de la forme que prend mon geste. C’est une forme de lâcher-prise.
Si l’on doit trouver un propos à travers cette oeuvre, il est plus dans son vécu que dans sa finalité. Le vécu il est dans la rencontre, la participation des gens, la création d’un espace de liberté pour discuter, échanger, se faire des blagues. Le street art ici est presqu’un prétexte, un outil pour vivre tout cela. La finalité est dans le graphisme, les formes et les couleurs créées.
T : A Transfert, on aime à se dire que l’art est partout sur le site, que tout est art. Que penses-tu de cette réflexion ?
A.N. : Je m’y retrouve à fond ! Je vais même te citer un vers de poésie que j’ai écris : la poésie est partout, ceux qui ne l’ont pas vu aussi. Pour moi l’art c’est « transformer les choses » et après le regard que tu portes sur ces choses transformées. Il n’y a pas besoin d’avoir de dogme au-dessus de toi, c’est une question de regard. Tu peux voir de l’art dans une interview, dans le sourire de quelqu’un…
EN BONUS
T : Penses-tu qu’on retrouve assez d’art dans la ville ?
A.N. : Je pense qu’on pourrait en trouver un peu plus, jusque dans les institutions. C’est aussi aux gens, aux artistes de se lancer sans attendre des autorisations ou autres, de s’emparer de l’espace public. C’est pour ça que je fais de l’éphémère. Si jamais ça dérange les riverains ou les autorités, je peux très vite enlever mon oeuvre. C’est comme ça que j’ai commencé, sans demander d’autorisation, juste à l’instinct et l’envie. Si ton coeur bat, fais-le. Si les gens et artistes veulent plus d’art dans la ville, au lieu d’attendre les autorisations, qu’ils le fassent !
T : Selon toi, l’artiste a-t-il un rôle à jouer dans la construction de la ville ?
A.N. : Totalement ! De manière sauvage ou institutionnalisée, autonome ou en collectif, en étant le plus bienveillant possible, chacun a des choses à faire et proposer. On y gagnerait à faire se rencontrer les gens, créer du lien social. Par exemple, quand je fais mes trucs en solo dans la rue, je parle avec les gens qui s’arrêtent, les gens parlent entre eux, je finis parfois par boire un café avec eux et me fais des nouveaux copains. Cela amène du partage et amène tout un chacun à se poser des questions, ressentir des énergies, à avoir plus de vibrations. Je dirais qu’au-delà d’être d’utilité publique, l’artiste dans la ville est d’évidence publique.